Un bilan du monde
Ecrit en 1964, ces propos de Chaplin restent d'actualité. Certes, le danger d'un embrasement nucléaire n'a pas disparu mais nous ne sommes plus dans la psychose de la guerre froide. Le danger aujourd'hui serait l'embrasement des fanatismes religieux, les derniers événements tragiques de Nice nous l'ont rappelé. Mais dans l'ensemble ces propos de l'humaniste qu'était Chaplin raisonnent encore admirablement, notamment lorsqu'il évoque ce que devenait cette société moderne, victime déjà à l'époque d'un conditionnement dicté par le pouvoir et l'argent.
"Je crois le moment venu de dresser un bilan du monde tel que je le vois aujourd'hui. Les complexités de plus en plus nombreuses de la vie moderne, le rythme effréné du vingtième siècle font que l'individu se trouve cerné par des institutions gigantesques qui le menacent de tous côtés, sur le plan politique, scientifique et économique. Nous devenons les victimes du conditionnement des âmes, des sanctions et des permissions.
Cette matrice dans laquelle nous nous sommes laissé mouler est due à un manque d'intuition culturelle. Nous nous sommes lancés aveuglément dans la laideur et dans l'entassement, et nous avons perdu notre sens esthétique. Notre sens de la vie a été émoussé par l’appât du gain, le pouvoir et le monopole. Nous avons laissé ces forces nous envelopper sans nous préoccuper le moins du monde des redoutables conséquences que cela pourrait avoir.
La science, privée d'une orientation réfléchie et du sens des responsabilités, a remis aux politiciens et aux militaires des armes de destruction telles qu'ils détiennent entre leurs mains le destin de toutes les créatures vivantes sur cette terre.
Cet excès de pouvoir confié aux mains d'hommes doués d'une responsabilité morale et d'une compétence intellectuelle dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ne sont pas infaillibles, et sont dans bien des cas contestables, pourrait se terminer par une guerre qui exterminerait toute vie sur terre. Et pourtant, nous allons aveuglément de l'avant." - Charles Chaplin, "Ma vie", 1964, p.568.
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