mardi 5 juillet 2016

Charles Chaplin le philosophe

Charles Chaplin le philosophe

Albert Einstein et Charles Chaplin
"Je vis un jour sur une pierre tombale dans le Midi de la France la photographie d'une souriante jeune fille de quatorze ans, et gravé dessous, un seul mot : "Pourquoi ?" Dans le désarroi du chagrin, il est vain de chercher une réponse. Cela ne vous conduit qu'à moraliser à tort et à travers et qu'à se tourmenter... mais cela ne veut pourtant pas dire qu'il n'y ait pas de réponse. Je ne peux pas croire que notre existence soit sans signification, qu'elle ne soit qu'un pur accident, comme certains savants voudraient nous l'affirmer. La vie et la mort sont des événements trop précis, trop implacables pour être accidentels.
Les hasards de la vie et de la mort - un génie fauché à la fleur de l'âge, des bouleversements mondiaux, des holocaustes et des catastrophes - tout cela peut semblait vain et absurde. Mais le fait que cela se soit produit donne la démonstration d'un but ferme et précis, qui dépasse l'entendement de nos esprits à trois dimensions.
Il y a des philosophes qui prétendent que tout n'est que matière sous une forme ou sous une autre, et que dans toute existence, rien ne se perd et rien ne se crée. Si la matière est action, elle doit être gouvernée par les lois de la cause et de l'effet. Si j'admets cela, alors toute action est prédéterminée. S'il en est ainsi, le fait que je me gratte le nez n'est-il pas aussi prédestiné que le passage d'une étoile filante ? Le chat se promène autour de la maison, la feuille tombe de l'arbre, l'enfant trébuche. Ne peut-on retrouver dans l'infini l'origine de toutes ces actions ? Ne sont-elles pas prédestinées et ne se poursuivent-elles pas dans l'éternité ? Nous connaissons la cause immédiate de la feuille qui tombe, de l'enfant qui trébuche, mais nous sommes incapables de remonter jusqu'à son origine ou jusqu'à ses ultimes conséquences.
Je ne suis pas un esprit religieux au sens dogmatique du terme. Ma position est comparable à celle de Macaulay, qui écrivait qu'au XVIème siècle on discutait les mêmes problèmes religieux avec la même habileté philosophique qu'aujourd'hui ; et que, malgré l'accumulation du savoir et le progrès scientifique, aucun philosophe, passé ou présent, n'a apporté une contribution révélatrice dans ce domaine.
Je n'ai pas la foi, mais je ne suis pas résolument incrédule non plus. Ce qui peut être imaginé approche autant de la vérité que ce que qui peut être prouvé mathématiquement. On peut toujours approcher la vérité par le raisonnement ; cela nous enferme dans un moule de pensées géométriques qui exigent de la logique et de la crédibilité. Nous voyons les morts dans nos rêves et nous les acceptons comme vivants, tout en sachant qu'ils sont morts. Et bien que dans le rêve l'esprit bannisse toute raison, n'a-t-il pas sa propre crédibilité ? Il y a des choses qui dépassent la raison. Comment pouvons-nous comprendre ce qu'est le millième d'un milliardième de seconde ? Les mathématiques nous disent pourtant que cela doit exister.
A mesure que je vieillis, je suis de plus en plus préoccupé par la foi. Elle joue dans notre vie un rôle plus important que nous croyons et nous permet d'accomplir plus que nous ne l'imaginons. Je crois que la foi est l'élément précurseur de toutes nos idées. Sans la foi, on n'aurait jamais pu inventer des hypothèses, des théories, des sciences ni des mathématiques. Je suis convaincu que la foi est un prolongement de l'esprit. Nier la foi, c'est se condamner soi-même ainsi que l'esprit qui engendre toutes nos forces créatrices.
J'ai foi dans l'inconnu, dans tout ce que nous ne comprenons pas par la raison ; je crois que ce qui dépasse notre entendement est un simple fait dans d'autres dimensions, et que dans le royaume de l'inconnu il existe d'immenses réserves d'énergie pour le bien." - Charles Chaplin, ("Ma vie", 1964), pp.350/351/352.

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